Insertion sociale
Le silence est de rigueur aussi du coté de Mjoti. Preférant lui cacher ses origines plutôt que de faire face à la
réaction du jeune homme, Ornel préfère qu'il découvre la vérité seul.
Sa jeunesse est basée sur ce principe. Encadré au niveau de l'enseignement,
il a dû faire face seul pour apprendre la vie. Difficile de construire quelque
chose, de devenir quelqu'un quand on a ses capacités, quand tout le monde sait
qu'il est l'apprenti du plus grand sage.
Entre ses cours très théorique sur toutes les matières imaginables, sa
spécialisation dans l'Anilyte, la méditation et les signes qui
commence à percevoir, difficile pour Mjoti de bâtir sa
vie sociale. Pour l'insérer au mieux, le sage l'envoyait régulièrement dans la
cité proche. Le jeune homme s'y rendait pour les quelques achats nécessaires à
leur vie simple.
Vêtu de sa longue tunique blanche d'apprenti, il déambulait dans les rues
de la ville à la recherche des vivres ou objets que son père adoptif lui avait
demandé de rapporter. Les gens qu'ils croisaient ne se préoccupaient pas de sa
présence, il aurait voulu pouvoir les aborder, discuter, rire avec mais rien
n'y faisait, il ne pouvait sortir de son silence et prendre contact avec la
population.
Seule une silhouette retenait fréquemment son attention. Toujours au même
endroit, toujours le même étalage, c'était une jeune vendeuse de livres,
parchemins et divers documents. Il restait distant quelques minutes, pour
l'observer. Un grand sourire sur des lèvres rouges vif, des yeux vert se
cachant derrière de long cil, le teint clair, de magnifique cheveux bruns à
l'apparence soyeuse, Mjoti était chaque fois un peu plus sous
le charme.
Le fait qu'il avait fréquemment des achats à faire dans son commerce, il
pouvait l'approcher, lui parler, presque la toucher. Avec toujours plus de
plaisir à se rencontrer, ils faisaient connaissance, mais l'un trop peu sur de
lui, l'autre incertaine de ses choix, aucun ne pouvait regarder l'autre
directement dans les yeux et oser sonder l'âme de l'autre.
La discussion nerveuse tournait bien souvent autour de la littérature, des événements
extérieurs, sans trop se dévoiler de peur de décevoir l'autre.
De visite en visite, des semaines, des mois passent, ils apprenaient à
se connaître l'un l'autre. Et pourtant ils ne se parlaient toujours pas
ouvertement. De jeunes gens adolescents, ils passent petit à petit à
l'âge adulte. Depuis qu'il se rend dans ce magasin, Mjoti ne
savait d'elle que son prénom, Valine, et quelques détails
comme le fait que la boutique appartenait à son père, historien de renommée. De
son coté elle savait qu'il était l'apprenti d'Ornel mais
n'osait poser plus de question.
Mais ce jeune homme ne pouvait conserver ses pensées enfouies encore
longtemps. Arrivée à ses 21 ans, il est temps pour lui de sortir de ce silence,
et de parler ouvertement avec Valine. Il profite des achats en
ville pour lui rendre visite, comme d'habitude. En entrant dans le magasin, une
douce chaleur emplit son corps, comme s'il réagissait au fait de la voir,
toujours plus belle. Et plus il s'approchait d'elle, plus il sentait son coeur résonner,
l'appréhension de se dévoiler ?
Elle se retourne et lui sourit, elle est bien heureuse de le voir. Mais son
sourire se voile bien vite, et des yeux inquiets prennent place sur son visage.
"Mjoti ? Il se passe quelque chose ?
Tu vas bien ? Tu as l'air mal tu veux t'asseoir ?"
Il est vrai qu'il ne se sentait pas en grande forme, mais il ne pouvait pas
reculer pour une faiblesse passagère.
"Valine ... je ... on doit parler,
tu sais depuis que je t'ai vu ... enfin tu sais que ..."
Il ne pouvait plus décrocher plus de mot, la chaleur continuait de monter en
lui, ses membres commençaient à s'engourdir, des sueurs montantes, un visage de
plus en plus pâle, Valine va chercher une chaise et l'aide à s'asseoir.
Il essai de lever une main pour toucher son visage mais fini par s'évanouir. La
jeune femme sort en courant demandant de l'aide, guidée par la peur de perdre
un être cher.